Un CDI pour une crêpière de 79 ans
A 79 ans, elle signe un CDI dans une crêperie car le restaurateur ne trouve pas de personnel.
Hubert Poupard, gérant du restaurant de crêpes Mam’Breizh à Concarneau, et sa nouvelle crêpière, Jacqueline Dervoust.
À 79 ans, Jacqueline Dervoust a été embauchée, ce jeudi, en CDI dans un restaurant de crêpes de Concarneau. Le gérant peine à trouver du personnel et la crêpière n’a absolument pas dans l’idée de profiter d’une retraite pourtant méritée. Le contrat a donc été signé sans l’ombre d’une hésitation par les deux parties.
« Dans ma tête, j’ai 30 ans. La fin de mes activités professionnelles, j’ai encore le temps d’y penser… », lance la pimpante Jacqueline. À 79 ans, elle vient de signer le deuxième CDI de sa vie, à 25 h par semaine, dans le restaurant concarnois de crêpes à volonté, Mam’Breizh, créé en 2015 par Hubert Poupard, 47 ans. « Je ne trouve pas de personnel, fulmine le patron. Ils veulent tous bosser quatre mois l’été et toucher les allocations emploi derrière. J’ai proposé cinq CDI à l’issue de la saison, personne n’en a voulu. Je ne vous parle même pas de ceux qui refusent de bosser le soir ou les week-ends et encore moins de ceux qui, l’été, vous disent qu’ils ne veulent pas travailler pendant les Vieilles Charrues ».
Pour l’entrepreneur, qui projette de développer son enseigne et d’ouvrir huit autres restaurants Mam' Breizh, entre Nantes et Brest, « la plus grosse difficulté, c’est vraiment de trouver du personnel. Je me demande d’ailleurs où passent les dizaines de crêpiers formés par le Greta et financés par le Fongecif. Quand je vois que des restaurants ont fermé cet été faute de personnel, je suis en colère. Pour la saison, je n’ai pas reçu une seule candidature pour un emploi saisonnier. Pas un seul CV ! », tonne l’administrateur du Medef.
« La retraite ? C’est un pied dans la tombe »
Jacqueline Dervoust ne comprend pas non plus les difficultés rencontrées par son patron. Elle dit d’ailleurs ne pas vouloir entendre parler d’une retraite dont elle pourrait pourtant profiter : « C’est un pied dans la tombe ! », lance-t-elle, avant d’expliquer que si elle travaille encore, ce n’est pas pour des raisons financières. « Je n’ai jamais arrêté de travailler. J’ai besoin de ça », insiste celle qui préfère qu’on l’appelle Jackie.
Née en 1939 à Paris, la crêpière concarnoise a passé un professorat de synoptique, travaillé dans le droit, pour un notaire, comme secrétaire de direction avant de devenir restauratrice, puis torréfactrice de café. C’est d’ailleurs avec cette activité professionnelle qu’elle a rejoint la Bretagne de son mari, en 1986. Installée à Riec-sur-Bélon (29), elle a rapidement fait des crêpes sur les marchés. « En juin 2016, j’ai croisé Jackie qui travaillait avec sa bilig dans un supermarché du coin. Je lui ai proposé du boulot. Elle a enchaîné les CDD chez moi et me demandait toujours de ne pas l’oublier. Cette fois, je n’avais plus le droit de lui faire un nouveau CDD, alors on s’est mis d’accord sur un CDI pour qu’elle reste ».
« Je trouve même qu’elle est un exemple »
Au moment de signer le contrat de travail qui le lie à Jackie pour une durée indéterminée, Hubert Poupard n’a aucun doute. « C’est vrai que mon comptable et quelques autres personnes me disent que je suis fou, que je prends des risques en embauchant quelqu’un d’âgé, mais moi, ce que je sais, c’est que Jackie travaille très bien depuis deux ans et demi, qu’elle n’est jamais malade et qu’elle est très agréable avec les clients. Je trouve même qu’elle est un exemple ».