Histoire de la crêpe / galette

Les origines

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La billig est ronde, vive les Bretons. Mais si ce sont bien eux qui ont popularisé la crêpe, celle-ci, qui daterait de 7 000 ans avec J.-C., existe ailleurs sous bien d’autres appellations.

Crêpes et galettes ont traversé les temps. Selon les biographes, elles seraient apparues sur terre vers 7 000 avant J.-C. « Il existe des recettes dans le monde entier, assure Jean-Louis Lambert, ancien enseignant-chercheur à l’Ecole nationale d’ingénieurs des techniques des industries agricoles et alimentaires de Nantes. Elles peuvent être faites à partir d’ingrédients correspondant aux conditions pédoclimatiques environnantes : céréales, maïs, riz, sorgho, millet, teff, lentilles, pommes de terre… »

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La galette n'est pas un mets uniquement breton

« On mange des galettes depuis la protohistoire dans le monde entier. On en mangeait avant d’inventer le pain, c’est du pain non levé », rappelle d’abord Alain-Gilles Chaussat, auteur d’une thèse sur « les populations du massif armoricain au crible du sarrasin (XVIe - XXe) ».

Les Romains mangaient des crêpes pendant les Lupercales, fêtes de la fécondite qui avaient lieu au début de fevrier et qui saluaient, à la fois, le retour du printemps et la promesse de la moisson future. Ces fêtes, fort licencieuses, furent condamnées par le pape Gelase, en 494, et remplacées par celle de la Purification de la Vierge, la Chandeleur, célébrée le 2 février.

Il paraît que le pape « Gélase 1er » réconfortait les pèlerins de Rome avec des crêpes, symbole du soleil et des moissons abondantes.

Dans l'antiquité c'était le flan ou la galette qui étaient de consommation courante. On trouve la première recette de crêpes en France vers 1 390 dans « Manager de paris ». L'auteur de cet ouvrage, explique comment faire des « crespes » avec de la farine de froment, des œufs, des eaux, du sel et du vin. Ces crêpes sont cuites dans un mélange de saindoux et de beurre, et saupoudrées de sucre avant d'être servies.

La galette de sarrasin, elle, se consomme depuis le XVIe siècle environ en Bretagne et dans d’autres régions de France. On mange énormément de galettes de blé noir dans la Manche, le Domfrontais et le bocage virois, en Basse-Normandie ; ensuite viennent le Limousin (les « galetous »), l’Auvergne (les « bourriols »), la Sologne, le Lyonnais ou encore le pays de Foix, au pied des Pyrénées !

Crêpes & Galettes - C'est quoi ?

En gros, il s’agit de réaliser une bouillie à base de farine de céréales, de pseudo-céréales, de légumineuses ou de féculents, allongée d’eau ou de lait, parfois enrichie d’œufs, et de la cuire avec un peu de matière grasse. Une pierre plate, bien chaude, permettait la cuisson.

Il existe donc en France viverses variantes de crêpes / galettes au menu d’autres régions : bourriol en Auvergne, tourtou en Limousin, socca (pois chiche) à Nice, sanciau en Bourbonnais, nicci (châtaigne) en Corse, biguenée en Vendée, couquebaque dans le Nord, cajasse (maïs) en Périgord, grimolle (sucrée mais cuite sur des feuilles de choux) dans le Poitou, crespère en ­Gascogne. J’en passe et des plus succulentes encore. Notons que la crêpe vonnassienne (pomme de terre) de l’Ain et la ­ficelle ­picarde sont des créations récentes, respectivement dues à la Mère Blanc (1902) et au chef ­Marcel Lefèvre (1950). Le canelé bordelais était le fruit des amours torrides d’une pâte à crêpe et d’un moule en cuivre ?

En Bretagne, un des berceaux français de la spécialité, on utilise le blé noir ou sarrasin pour la galette salée (Haute-Bretagne) et le blé tendre pour la crêpe sucrée (Basse-Bretagne). Toutes deux ont fait leur entrée dans le répertoire culinaire local à partir du Moyen Age, même si elles accompagnaient depuis plus longtemps encore le rituel religieux de la Chandeleur, inauguré en 472 par le pape Gélase Ier. Mais c’est au XIXe siècle, à la faveur de l’immigration bretonne, qu’elles se sont imposées au reste du pays.

La crêpe dans le monde

Les crêpes telles qu’on les connaît en France possèdent bon nombre d’équivalents à l’étranger. Le pancake américain est une déclinaison plus épaisse de la crêpe. La piadina se déguste en Italie, la filloa en Espagne, le blini en Russie, la tortilla au Mexique et le baghrir, au Maghreb.

Le début des crêpes en Bretagne

La crêpe, ou galette, fait son apparition en Bretagne vers le XIIIe siècle suite à la culture du sarrasin rapporté de croisades en Asie. Le sarrazin a permis de confectionner cette fine couche de pâte, de forme ronde. C’est le début de la galette bretonne !

La crêpe est citée dans les récits dès le milieu du XIXe siècle. C'était le principal aliment des paysans riches ou pauvres, La « Krampouez » d'autrefois était « Kraz », certains les préfèrent toujours ainsi. Les crêperies n'emploient guère cette recette qui est difficile à cuisiner. Elles présentent aujourd'hui des crêpes moins friables que l'on peut garnir, ce qui ne se faisait pas autrefois.

La crêpe de froment est apparue il y a environ cent ans. La pâte est faite avec du lait et des œufs, sucrée et parfois parfumée au rhum ou à l'eau-de-vie de cidre. Parfois on y met de l'anis. Cette pâte est travaillée beaucoup plus légèrement que celle de sarrasin.

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Avant, la galette remplaçait le pain

Jusqu’au XIXe siècle environ, la galette n’est pas garnie, ce n’est pas un plat en soi. Elle se mangeait avec la soupe, dans la potée ou les autres plats simples des campagnes. « On mettait du beurre dessus quand on avait les moyens. Servir un œuf dessus arrive à la fin du XVIIIe, quand on a un invité de prestige. La première galette à porter un nom est le « pâté de Bécherel », mentionné en 1824 : deux galettes beurrées avec un œuf miroir au milieu. La galette saucisse, elle, arrive à la fin XIXe - début XXe », retrace notre historien ruraliste.

Le sarrasin permet de surmonter des famines

Le blé noir se cultive en trois mois, l’été, et non en huit mois, de novembre à août, comme le blé. Il risque donc moins d’aléas climatiques. « Si votre champ de blé est dévasté au printemps, il est toujours temps de tout labourer et de semer du sarrasin. Cela a permis de surmonter des famines », constate le chercheur, qui a étudié deux régions voisines en période de famine, et remarqué que celle cultivant du sarrasin ne présentait pas de surmortalité.

La galette n'est pas uniquement au sarrasin

Cela dépend des endroits et des périodes de l’Histoire. Avant le XIXe siècle, crêpes et galettes peuvent être tantôt au froment (blé), tantôt au sarrasin. « La différence, c’est l’épaisseur : la galette est plus épaisse, la crêpe plus fine. Après 1850, un tournant s’opère : en Haute-Bretagne, la galette est au sarrasin et plutôt salée, et la crêpe, au froment et plutôt sucrée. Cette distinction ne prend pas en Basse-Bretagne, qui reste sur la distinction crêpe fine et galette épaisse. Mais en France, la vision qui l’emporte est celle de Haute-Bretagne et de Rennes, la grande ville connectée avec le reste du pays ».

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Le sarrasin des galettes ne pousse pas uniquement en Bretagne

« Aujourd’hui, 70 % du sarrasin consommé en France vient de l’étranger, rapporte Alain-Gilles Chaussat. Mais l’essentiel des 30 % restants est cultivé en Bretagne ». Mieux vaut bien regarder l’origine de la farine utilisée, donc. Au XXe siècle, la culture du blé noir a chuté : en Côtes d’Armor par exemple, on cultivait 60 000 ha de sarrasin en 1905, six fois moins en 1955.

Une IGP Blé noir de Bretagne a été créée en 2010. À Pleudihen-sur-Rance, une association vient de se créer pour en relancer la culture.

L’étymologie de la crêpe 

Le mot crêpe provient du latin crispus, qui signifie frisé, avant d’être substantivé au féminin. En effet, la pâte liquide à base de farine, de lait et d’œufs et que l’on saisit à feu vif dans la poêle, prend ensuite l’aspect frisé qui lui a valu ce nom.

L’étymologie du sarrasin

Le mot sarrasin signifie tout simplement « étranger ». C’est pourquoi il a été donné aux Maures, les Arabes que Charles Martel aurait arrêtés à Poitiers en 732. Pour la même raison, le nom sarrasin a été donné au blé noir, car il venait de très loin : d’Asie mineure (la Turquie actuelle), où il a sans doute été amené par les invasions mongoles du XIIIe siècle. La souche la plus ancienne a été retrouvée en Chine, du côté du Tibet et du Sichuan.

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L’historien normand Alain-Gilles Chaussat est l’auteur d’une thèse intitulée : « les populations du massif armoricain au crible du sarrasin », où il décortique le rapport des populations bretonnes et bas-normandes au blé noir, depuis le XVIe siècle (Le Télégramme/Gwen Catheline)